Tourisme durable : tous les labels, normes et certifications pour agir
Près d’un être humain sur cinq quitte provisoirement son lieu de vie… juste pour le plaisir d’en visiter un autre ! En 2016, le tourisme a encore progressé de 4 % au niveau mondial, selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT, UNWTO en anglais). Une croissance similaire est attendue cette année. Mais à ce rythme, la planète arrivera-t-elle à suivre ? Qui dit tourisme dit déplacements carbonés, perturbation des milieux naturels, production massive de déchets en tous genres… Tourisme et développement durable sont-ils compatibles ? Ce vendredi 2 juin, journée internationale pour un tourisme responsable, le groupe AFNOR pose la question et propose des solutions fondées autour des normes volontaires.
Lignes directrices et bonnes pratiques
Comme le précise Grégory Berthou, responsable du développement pour le secteur des sports et loisirs chez AFNOR Normalisation, « à l’heure de la mondialisation et des nouvelles technologies, les touristes changent de comportement. Sensibles à l’éthique, ils souhaitent plus de transparence, notamment de la part des professionnels. On le constate aussi dans l’élaboration des normes : le développement durable est de plus en plus présent ». Cœur de métier du groupe, la norme donne le cadre : élaborée par l’ensemble des professionnels et consommateurs du secteur concerné, elle agit comme un mode d’emploi et donne des lignes directrices, assorties de bonnes pratiques, pour instiller qualité et durabilité dans les produits et services.
En matière de tourisme, deux normes internationales devraient voir le jour d’ici à 2018 ou 2019. Le première, initiée par le Brésil et pilotée par le groupe de travail TC 228 de l’ISO (l’Organisation internationale de normalisation), concerne le tourisme durable. « Elle va cadrer le système de management responsable des infrastructures hôtelières, avec des critères liés notamment à l’environnement et aux aspects sociétaux », annonce Dori Nissan, chef de projet chez AFNOR Normalisation. Cette norme est soutenue avant tout par des pays dont l’économie dépend fortement du tourisme, comme l’Équateur ou la République dominicaine. Toutefois, certains pays (sept, dont la France) se montrent sceptiques. Ils estiment que les outils existants (normes-cadres ISO 9001 sur la qualité, ISO 14001 sur l’environnement, etc.) suffisent. Cependant les normes ISO jouissent d’une telle résonance qu’il est tout à fait possible qu’à terme, ce nouveau texte soit finalement repris aussi par les professionnels du tourisme français.
Le tourisme d’aventure soucieux de développement durable
La seconde norme ISO à venir concerne, elle, le tourisme d’aventure. « Les acteurs de ce marché sont les plus directement concernés par le développement durable, car les activités proposées sont souvent exercées auprès des populations locales, de la faune et dans la nature », justifie Fabrice del Taglia, directeur général de Nomade Aventure et président de la commission de normalisation AFNOR compétente sur le sujet. Très simple et sans équivalent en France, la future norme volontaire permettra aux acteurs du secteur d’harmoniser leurs pratiques de développement durable. En quelque sorte, de parler la même langue. « Le projet de norme ISO, initié par le Portugal, a été enrichi par les acteurs français, très impliqués, avec des exigences sociales, économiques et environnementales », commente Fabrice del Taglia. Le texte permettra de donner une portée internationale aux référentiels en vigueur sur ce segment de marché, dont le label ATR (Agir pour un Tourisme Responsable), créé par l’association du même nom et dont une dizaine de professionnels du tourisme d’aventure sont porteurs.
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Le besoin d’éthique dans le secteur du tourisme, quelle que soit la branche, se confirme donc. En témoignent aussi les recommandations émises fin avril 2017 par le Comité mondial pour l’éthique du tourisme (une émanation de l’OMT) visant à bien collecter et publier de manière impartiale les avis en ligne de clients de sites de voyage. Sans oublier les travaux historiques du TC 228 sur la plongée sous-marine, qui prend en compte le développement durable, ou la réflexion sur les sites touristiques accessibles aux personnes handicapées.
L’écolabel européen, 25 ans de certification
En 2017, on fête aussi les vingt-cinq ans de l’écolabel européen, célèbre pour son logo en forme de fleur. Reconnu dans tous les pays membres de l’Union européenne, ce signe distinctif apposé sur les produits et services qui en font la demande est délivré en France, après audit, par AFNOR Certification. Et tous les services d’hébergement touristique sont éligibles : hôtels, campings, villages-vacances, gîtes et chambres d’hôtes. Parmi les plus de mille prestataires de service détenteurs de ce label sur le marché européen, l’Hexagone mène le bal, avec 335 titulaires à ce jour. « Cet anniversaire coïncide avec une nouvelle décision européenne, validée en janvier dernier, qui fait évoluer le référentiel sur lequel s’appuie l’écolabel », annonce Laure Garcia, ingénieure commerciale spécialiste du marché du tourisme chez AFNOR Certification.
Parmi les évolutions : « Les hébergements touristiques et de camping cohabitent désormais, car leurs critères respectifs sont très similaires. La décision d’accorder le label se concentre sur les principaux critères impactant l’environnement, réorganisés pour une meilleure lisibilité. Pour certains, le niveau d’exigence croît, quand il devient plus progressif pour d’autres. Un volet social fait son apparition, l’accent est mis sur l’efficacité des équipements, et la lutte contre le gaspillage alimentaire est intégrée. Enfin, le fait de suivre d’autres démarches allant dans le sens du développement durable (comme l’ISO 14001) est valorisé », détaille Laure Garcia.
SE FAIRE CERTIFIER
Écolabel européen « Hébergement touristique »
Un travail d’équipe, une gestion d’entreprise
Décrocher la certification nécessite souvent un accompagnement (lire l’exemple en Gironde). Des délégations régionales d’AFNOR (Bretagne, Pays-de-la-Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Réunion, Guadeloupe, etc.), associées à des institutionnels, mènent des actions en ce sens. Ainsi, la CCI de Nantes-Saint-Nazaire, avec l’appui du conseil régional, a aidé fin 2015 vingt professionnels à se faire éco-labelliser. « L’envie de s’engager dans cette voie dépend avant tout de la sensibilité de la direction et c’est un travail d’équipe, souligne Annie Santerre, conseillère tourisme dans cette CCI, avec cette remarque importante : « Certaines structures voient cette démarche comme de la gestion d’entreprise purement financière, puisque cela permet de réduire les déchets ou la consommation d’énergie, et donc au final les coûts. » Mais tout le monde sort gagnant ! « L’hôtel Amiral à Nantes affiche même à l’accueil la consommation quotidienne d’eau et d’électricité de chaque chambre. C’est responsabilisant ! Et économique : à partir de 2011, en proposant pour le petit-déjeuner un buffet sans petits contenants et composé de produits locaux, l’exploitant a gagné de l’argent », poursuit Annie Santerre.
De plus en plus d’offices de tourisme jouent aussi le jeu. Jérôme Lay, directeur de celui du Seignanx (Landes), se définit d’ailleurs comme un passionné de tourisme durable : « Notre mission est de préserver et partager notre territoire, qui jouit d’un patrimoine naturel très diversifié. Nous sommes partis de zéro en 2008, sans exemple à suivre. Grâce à des diagnostics menés avec les élus et les professionnels du tourisme, nous avons créé une charte très simple pour les hébergeurs, élargie par la suite aux écoles de surf, sites de visites, centres équestres, etc. Logiquement, nous avons proposé aux hébergeurs d’aller plus loin en les accompagnant vers l’écolabel européen » raconte-t-il. Aujourd’hui, un village vacances et deux campings sont porteurs de l’écolabel européen, soit un tiers de l’offre d’hébergement. « Et certains touristes demandent spécifiquement un camping écolabellisé ! », ajoute Jérôme Lay. Les professionnels qui sautent le pas se disent ravis, comme Benoît Morin, directeur d’Éthic Étapes Val-de-Loire, à Blois
Tondeuse mulching et vélos générateurs d’énergie
Même son de cloche du côté des campings. Éric Bourgon, directeur de celui de La Garangeoire (Vendée), lui aussi titulaire de l’écolabel européen, accueille 1 500 clients chaque saison : « Tout le monde est sensibilisé : clients, fournisseurs et équipe (16 permanents et 100 intérimaires l’été). Depuis la certification en 2011, nous avons acheté deux voitures et onze voiturettes électriques, investi dans une tronçonneuse et une souffleuse électriques, sans oublier une tondeuse mulching, qui hache l’herbe menu et la redépose sur la pelouse, formant un paillis protecteur contre la sécheresse et un engrais naturel », décrit-il. Poursuivant ainsi : « Nous sommes l’un des deux campings en France à avoir installé une Fonteko. Cette borne zéro-déchet offre notamment une fontaine à eau en libre-service et une fontaine à détergents 100 % naturels. Cet été, nous comptons ajouter une borne de tri intelligente qui ouvrira la bonne trappe selon le code-barres. »
Outre l’écolabel européen, d’autres certifications séduisent de plus en plus d’acteurs du tourisme soucieux de valoriser leurs actions. C’est le cas d’AFAQ Ports propres, bien installée en Provence-Alpes-Côte-D’azur, ou encore de NF Environnement « Sites de visite », décrochée notamment par le gouffre de Proumeyssac (Dordogne) fin 2016. Selon son directeur, Alain Francès, « être certifié permet un suivi régulier et incite à être plus performant, notamment en termes de consommation énergétique et de pollution ».
Mais le principe premier est celui de l’amélioration continue. Sur le site du gouffre, six vélos générateurs d’énergie ont été installés en avril 2017. Le but ? Que les visiteurs volontaires pédalent pour produire l’équivalent de l’énergie consommée durant leur visite. Ludique… et pédagogique ! Parmi les dernières actions, Alain Francès cite le remplacement de certains projecteurs par des leds dans la grotte, le renouvellement des équipements de chauffage par des modèles peu consommateurs d’énergie, ou encore l’installation d’une borne de recharge de moyenne puissance pour deux véhicules électriques.
SE FAIRE CERTIFIER
NF Environnement Sites de visite
Par leurs actions quotidiennes, ces professionnels prouvent tout l’intérêt et les bénéfices à décrocher puis à garder un signe distinctif matérialisant, avec l’œil d’un tiers certificateur, leur engagement dans le tourisme durable. Les clients (et la planète) les remercient !
Mission certification en Gironde
Pour fêter les 25 ans de l’écolabel européen, l’ADEME a lancé un appel à projets clos le 31 mai 2017. Le but : accompagner les hébergements touristiques dans l’obtention de cette certification avec une aide financière. Cinq régions ont répondu à l’appel, dont la Nouvelle-Aquitaine, déjà la plus dotée en certifiés. « Le 2 juin, quatre conférences de presse se tiennent sur tout le territoire, » précise Muriel Lacroix, ingénieure développement à la délégation d’AFNOR dans cette région. « Celle de Bordeaux vise à lancer l’opération collective pour la Gironde, pilotée par Gironde Tourisme, avec comme périmètre l’écolabel européen mais aussi la certification NF Environnement – Sites de visites. » Quatre ateliers de présentation du projet sont organisés, dont le dernier début septembre, en partenariat avec les offices de tourisme. À la rentrée, la formation aux référentiels sera lancée, puis l’accompagnement démarrera. Dix hébergeurs et sites de visites se sont déjà manifestés. Renseignements : Voir l'email
3 QUESTIONS A BENOIT MORIN, DIRECTEUR D’ETHIC ETAPES VAL-DE-LOIRE, A BLOIS
Votre établissement était au départ un foyer de jeunes travailleurs, à vocation sociale. Comment en êtes-vous venu à vous élargir à l’écologie et à demander l’écolabel européen ?
Notre engagement remonte à 2010, lorsqu’il a fallu réhabiliter les bâtiments. Tout ce qui pouvait améliorer l’impact environnemental a été inscrit au cahier des charges. Les fenêtres ont été changées, une isolation extérieure posée, etc. Les travaux ont permis de sensibiliser les 26 salariés de l’équipe, d’étudier les critères de l’écolabel européen appliqué aux hébergements touristiques, et de passer en revue ce qu’il faudrait modifier dans nos comportements. Nous avons été certifiés en mars 2015 et sommes très fiers d’être le premier établissement dans ce cas à Blois ! Qui dit label dit amélioration continue. On avance dans la démarche tout en prenant son temps.
Justement, qu’avez-vous apporté comme améliorations ?
Nous avons élaboré un programme annuel d’action et de sensibilisation du personnel, qui nous engage au-delà des critères du label. Par exemple, exit les seaux de 5 litres et l’eau de Javel pour le ménage. Aujourd’hui, les produits d’entretien sont moins agressifs et les contenants font un demi-litre, allégeant les emballages et les charges à porter. Le tri des déchets est proposé aux clients et pratiqué par l’équipe. Avant, nous sortions six à sept sacs poubelle de 100 litres par jour, aujourd’hui un seul, à tel point que les éboueurs nous ont demandé si l’établissement allait fermer ! Avec les déchets alimentaires, nous faisons du compost, épandu sur les espaces verts, et par les employés qui le souhaitent chez eux. Le désherbage est manuel et les déchets sont brûlés. Nous avons aussi travaillé avec le cuisinier sur le gaspillage alimentaire et introduit des produits issus de circuits courts et porteurs de labels de qualité.
Les résultats sont-ils au rendez-vous ?
Ils sont difficilement mesurables. Les clients félicitent souvent les employés pour la qualité de l’hébergement et de la nourriture. Ils s’intéressent parfois à l’écolabel, mais ce n’est pas leur motivation première. Cela dit, nous avons déjà observé que certains groupes scolaires nous choisissent en raison de notre démarche écologique !
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