AFNOR mobilise la filière métavers en quête de repères

AFNOR ouvre aux acteurs du métavers une commission de normalisation pour définir un langage commun favorisant l’interopérabilité des systèmes.

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Metavers

Le 22 février 2023, Jean-Nöel Barrot, ministère délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, et Franck Lebeugle, directeur des activités de normalisation d’AFNOR, ont lancé la commission de normalisation visant à mettre en ordre de marche une filière embryonnaire mais demandeuse d’interopérabilité.

« Nous avons perdu des batailles industrielles faute d’avoir défriché en normalisation en amont. » Jean-Noël Barrot, le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, a été clair ce mercredi 22 février 2023 dans les locaux du ministère de l’Economie et des finances, au lancement de la commission de normalisation AFNOR sur le métavers : les normes volontaires de demain s’écrivent aujourd’hui, sans quoi d’autres les écriront à votre place. Et s’imposeront sur les marchés.

Enjeu numéro un : l’interopérabilité

Désigné parfois comme successeur d’Internet, qualifié aussi de réseau social en 3D, le métavers est en passe de modifier profondément les interactions sociales, les identités dans le champ numérique, les interactions marchandes, les habitudes de consommation, voire le rapport des usagers aux espaces publics. Il se heurte également à des questions éthiques et juridiques. Or, les levées de fonds se multiplient, les acteurs se structurent : fabricants de casques, spécialistes de la spatialisation du son, éditeurs de logiciels, etc.

Il est donc grand temps de rassembler tout ce petit monde et l’inviter à établir les standards de la profession, en défendant le métavers comme un système ouvert, sûr et inclusif, conformément aux valeurs européennes. « Les acteurs français ne peuvent laisser d’autres définir à leur place ce que seront les normes internationales. C’est ce à quoi le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton, a appelé de ses vœux en présentant la nouvelle stratégie européenne de normalisation, en février 2022 », commente Franck LEBEUGLE, directeur des activités de normalisation d’AFNOR.

La question de souveraineté est une vraie question, car le métavers suscite déjà des initiatives hors d’Europe, notamment en Chine (où une enveloppe de 50 milliards de dollars a été promise aux technologies immersives d’ici à 2026) et en Corée du sud. En Europe, une première initiative prénormative s’est montée sous la houlette du Metavers Standards Forum, qui associe une trentaine d’acteurs. Aujourd’hui, AFNOR prend le relais pour la France, aidée du CEN-Cenelec qui a lancé une enquête de besoins à l’échelle européenne, et de l’IEC, l’organisation propre aux électro-technologies, à l’échelle internationale. « L’enjeu numéro un est l’interopérabilité. Le métavers n’est et ne sera pas un produit unique », proclame Béatrice Oeuvrard, responsable des affaires publiques pour Meta France. « Or il n’est pas envisageable qu’une plateforme métaversique empêche l’accès à des utilisateurs qui n’auraient pas le bon équipement », a prévenu le ministre. « Je vais vite devoir trouver une solution à la question : comment faire voyager un même actif, un même avatar, d’un métavers à l’autre, avec les mêmes garanties d’authenticité sur les transactions qui s’y déroulent et sur les personnages qui y évoluent », complète Philippe Rodriguez, du think tank Metacircle.

Rassurer les « métaversceptiques »

Les normes volontaires sont justement là pour proposer ce langage commun. A bien distinguer de la réglementation, qui contraint (par exemple, avec le DSA à l’échelle de l’UE), la normalisation fédère et rassure, sur le mode du volontariat et du consensus. « En entreprise, les responsables de la sécurité des services informatiques bloquent l’accès aux métavers professionnels. Le jour où une norme sera au point pour garantir la confiance, ce verrou sautera. On attend des normes qu’elles rassurent les ‘métaversceptiques’ », espère Jacques Baranger, en charge des métavers chez Talan Consulting, qui voit trois familles d’usage du métavers :

  • Le métavers de la relation client, orienté marketing et vente
  • Le métavers des collaborateurs, orienté ressources humaines et recrutement
  • Le métavers de la production, orienté design et innovation

A toutes ces attentes s’ajoutent, bien évidemment, des attentes de sécurité pour faire rempart aux situations discriminatoires, illicites ou dangereuses pour les enfants qui pourraient se produire dans un métavers. C’est ce qui motive Philippe Coen, du collectif Respectzone, à prendre part aux travaux de normalisation et revendiquer une « charte de l’avatar ». Cela, alors que l’une des applications les plus attendues du métavers est la formation et l’éducation, comme le souligne Sébastien Massart, directeur de la stratégie de Dassault Systèmes. « On aura aussi besoin de normes pour savoir comment structurer un parcours de formation », dit-il, donnant comme autre exemple de domaine avide de confiance la santé : « Si je suis médecin et que je veux soigner un patient en étudiant dans un métavers le jumeau virtuel de l’organe malade, je veux être sûr d’avoir affaire à la bonne personne, sûr que les données ont fiables, que le modèle virtuel que j’emploie est scientifiquement valide. La normalisation permettra cette confiance », explique Sébastien Massart.

En sens, les utilisateurs futurs des métavers aussi sont les bienvenus à la table de la normalisation. Une première réunion de la commission est prévue le 27 mars 2023, et une feuille de route pour mi-septembre.