Un tuto universel pour bâtir sa démarche biodiversité

Nul besoin de vous le rappeler : la biodiversité mondiale s’effondre. Fin septembre 2025, un rapport de l’Agence européenne de l’environnement indiquait que sur le territoire de l’UE, plus de 60 % des espèces (non aviaires) et 81 % des habitats protégés sont en mauvais ou très mauvais état
, tandis que 60 à 70 % des sols sont dégradés
. A son niveau, la normalisation volontaire agit. Le 7 octobre 2025 à Kigali, lors de son assemblée générale, l’Organisation internationale de normalisation (ISO) a présenté ISO 17298, première norme internationale dédiée à la biodiversité. Fruit de travaux initiés et pilotés par AFNOR, qui représente la France à l’ISO, cette norme volontaire se présente comme le mode d’emploi universel pour les acteurs économiques désireux d’intégrer la biodiversité au cœur de leur stratégie. Vous pouvez vous la procurer ici dans la collection AFNOR (attention : bien taper le préfixe ISO, car la norme NF EN 17298 – sans ce préfixe – existe déjà, sur un sujet totalement différent). Ecoutez Fanny Bancourt, membre de la commission de normalisation AFNOR en sa qualité de consultante biodiversité chez BL Evolution, décrire la norme en 59 secondes !
La nouvelle norme ISO 17298, alignée sur le Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal (COP 15), fournit aux organisations de toutes tailles (entreprises, collectivités, ONG ou institutions publiques) des lignes directrices communes pour protéger la nature tout en restant compétitives. A l’image de normes mondialement connues, comme l’ISO 14001 sur l’environnement, elle traite le sujet en mode système de management : elle fournit des recommandations pour s’organiser en interne de manière à s’améliorer continuellement. Pour un responsable environnement, ISO 17298 constituera ainsi le volet biodiversité de l’ISO 14001
ISO 17298, une norme mondiale d’inspiration française
Concrètement, la norme ISO 17298 donne aux organisations les clés pour identifier leurs impacts et dépendances vis-à-vis de la biodiversité, en évaluer les risques et opportunités, afin de construire un plan d’action efficace pour préserver la vie sur terre
, explique Caroline Lhuillery, cheffe de projet normalisation biodiversité à l’AFNOR, et animatrice du comité ISO/TC 331 ayant produit la norme.
Les bénéfices de la norme pour les organisations sont multiples : elle les prépare aux obligations à venir en matière de reporting extra-financier, comme la CSRD au niveau européen, facilite l’accès au financement vert, renforce la confiance des investisseurs et ouvre de nouvelles opportunités de marché. Elle sera mise en lumière lors de la prochaine COP de l’ONU sur la diversité biologique en Arménie en 2026, en tant qu’outil pratique pour passer des intentions aux actes.
Depuis 2020, AFNOR pilote le comité technique international ISO/TC 331 « Biodiversité » , confirmant le rôle moteur de la France dans la définition des règles du jeu mondiales de la durabilité. Une première norme nationale existait depuis quatre ans : la NF X32-001 . Cette norme française constitue le socle de la certification AFAQ Biodiversité , un signe de reconnaissance distribué sur audit par AFNOR Certification aux acteurs économiques désireux de montrer qu’ils s’organisent correctement pour traiter le sujet. AFNOR Compétences propose des formations sur la démarche ici . La certification AFAQ va prochainement évoluer pour prendre en compte la nouvelle norme internationale.
Au cœur de la norme française, de la norme ISO et de la certification : une approche de double matérialité inside-out/outside-in formalisant la relation d’interdépendance d’une entreprise avec la biodiversité. En effet, les organisations influencent (directement et indirectement) les écosystèmes naturels (les sols pour une entreprise de granulats, par exemple). Lesquels, en retour, impactent les organisations dans leur activité économique : variation de la productivité des sols, diminution des ressources naturelles, perturbation des cycles de l’eau, etc. Notre économie est dépendante de la bonne santé des écosystèmes. Prendre en compte la biodiversité dans un plan d’actions stratégique n’est pas seulement une contrainte réglementaire ou une question d’image : c’est aussi une source d’opportunités pour les organisations
, martèle Caroline Lhuillery.
La France tient un rôle stratégique dans la normalisation internationale, ce soft power qui façonne l’économie mondiale. Selon le baromètre international 2025 d’AFNOR, elle figure parmi les leaders mondiaux dans l’animation des comités ISO, position clé pour influencer les standards internationaux, bien que talonnée par la Chine. En 2026, année de ses cent ans, AFNOR accueillera à Paris les 170 pays de l’ISO pour leur assemblée générale.