Cacao durable et traçable : une norme à croquer

Après six ans de discussions, la filière cacao s’est accordée sur les critères d’une production durable. Ceux-ci figurent dans un référentiel ISO. A découvrir le 1er octobre 2019 à l’occasion de la journée mondiale du chocolat.

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différents types de fèves

Après six ans de discussions, la filière cacao s’est accordée sur les critères d’une production durable. Ceux-ci figurent dans un référentiel ISO tout nouveau tout beau, instaurant un langage commun du  planteur au consommateur. A découvrir le 1er octobre 2019 à l’occasion de la journée mondiale du chocolat.

Plusieurs jours de piste en pleine jungle pour atteindre une plantation d’un hectare tenue par la même famille depuis des générations : ainsi sont organisées la plupart des exploitations de cacao dans le monde. Ces parcelles petites et isolées sont typiques de cette filière en recherche de durabilité et de traçabilité, pour répondre aux nouvelles demandes des consommateurs. Mais qu’est-ce qu’un cacao durable ? Comment organiser la traçabilité des matières premières, de la fève au supermarché, lorsque les producteurs sont aussi éclatés ?

Ces questions ont aujourd’hui leur réponse dans une norme volontaire internationale au nom amer, « ISO 34101 », mais qui cache une pépite. « Le point de départ ? Une volonté partagée de réunir l’ensemble de la filière, se rappelle Sandrine Espeillac, responsable du pôle agro-alimentaire d’AFNOR Normalisation. Une forte demande de produits ‘responsables’ émanait des consommateurs. Dans un contexte de cacaotières vieillissantes et d’attractivité en baisse sur fond de préoccupations environnementales, tous les acteurs ont voulu définir des règles partagées pour un cacao durable. »

Déforestation et travail des enfants

Six années de travail auront été nécessaires pour accorder les points de vue, parfois divergents, des différents acteurs à l’échelle mondiale. « Si la déforestation n’est pas acceptable d’un point de vue européen, elle peut être liée à questions de survie du point de vue pays producteurs », illustre Florence Pradier, secrétaire générale du Syndicat du chocolat. En effet, les cacaoyers ne peuvent vieillir trop longtemps sur pied, sous peine de perdre en rendement (au-dessus de 20 à 25 ans), or l’âge moyen des plantations atteint 30 ans au Ghana et en Côte d’Ivoire et 45 ans au Cameroun, posant le défi du renouvellement.

Autre exemple avec le travail des enfants, interdit en Europe mais fréquent dans les pays en développement, notamment dans le cadre de plantations familiales. Les participants se sont donc entendus pour retenir les conventions de l’Organisation internationale du travail comme référence : il est toléré s’il contribue à l’économie familiale, ne nuit pas à la scolarisation des enfants et ne les met pas en danger. Une question de compromis. Pour accompagner les producteurs dans une transition en douceur, la norme volontaire définit trois seuils de progression sur ces critères sensibles.

Le référentiel se compose au final de 4 parties. La première s’attache au système de management de la durabilité du cacao, inspiré des normes ISO 9001 (qualité) et ISO 14001 (environnement). La deuxième définit les critères de durabilité, répartit en trois grandes familles : environnement, économie et social. L’objectif est d’améliorer les conditions de vie des producteurs tout en respectant l’environnement. Une troisième partie s’attache à la traçabilité et aux manières de s’assurer que la fève de cacao provient bien d’une plantation durable, en conformité avec les critères de la 2e partie. Un aspect fondamental dans un secteur marqué par des circuits longs et un grand nombre d’intermédiaires. Enfin, la 4e partie détaille les méthodes d’évaluation.

ISO 34101 : un référentiel à croquer

« Ce texte marque un grand pas en avant, se félicite Florence Pradier. Il prend en considération les enjeux amont – les conditions de vie des producteurs – comme aval – les attentes des consommateurs – et définit un cadre partagé par l’ensemble de la filière et ses parties prenantes. » Et qu’en est-il des labels bien connus des consommateurs, sur le chocolat bio ou issu du commerce équitable ? « Ces labels portent sur un pan seulement développement durable : l’environnement pour le label bio ou le social pour les labels de commerce équitable. A contrario, la norme volontaire englobe l’ensemble des critères liés aux systèmes de production durable : l’économie, l’environnement et le social, nuance Florence Pradier. Le texte de la norme est peut-être moins précis sur certains aspects, mais il est plus large. »

Les professionnels ont déjà commencé à s’emparer de ce référentiel ISO 34101 publié en mai 2019 et repris récemment dans la collection NF. On voit ainsi des producteurs se constituer en coopératives pour gagner en traçabilité, un véritable défi face à la kyrielle de plantations. Et pour encourager les exploitants dans leurs efforts, certains industriels s’engagent à verser une prime de 400 dollars par tonne de cacao aux producteurs qui respecteront les critères de la norme volontaire. A vos tablettes !

  • 30 % : Au Ghana et en Côte-d’Ivoire, 3 enfants sur 10 travaillent
  • 20 à 25 ans : L’âge à partir duquel le cacaoyer atteint sa production maximale. Or l’âge moyen des plantations atteint 30 ans au Ghana et en Côte d’Ivoire et 45 ans au Cameroun, posant le défi du renouvellement
  • 7 : 7 pays produisent près de 90 % du cacao mondial : Côte-d’Ivoire (43 %), Ghana (19 %), Indonésie (7 %), Équateur (6 %), Nigéria (5 %), Cameroun (5 %), Brésil (4 %)
  • 10 : 90 % des exploitations mondiales font moins de 10 hectares
  • 6,6 kg : La consommation par habitant et par an en France

Source : Syndicat du chocolat

© Getty Images/Pierre-Yves Babelon