Comment les mairies alignent leurs budgets sur les ODD

Des plans pluriannuels d’investissements (PPI) en phase avec la transition écologique ? Une réalité pour certaines communes françaises, toujours plus nombreuses à s’engager dans cette démarche. Pessac, troisième ville de Gironde, fait partie des plus avancées en la matière. La mandature 2020-2026 affiche clairement le drapeau vert, sous l’impulsion de son édile. « Objectif : 100 millions d’euros d’investissement sur six ans, en intégrant l’impact environnemental de chaque action », précise Aurélie Lerebourg, directrice de la mission Accélération des transitions de la mairie.

Concrètement, chaque projet est passé au tamis des ODD, ces objectifs de développement durable qui constituent l’Agenda 2030 de l’ONU, dont la France est signataire depuis leur proclamation en 2015 (voir notre article ici). Une matrice très pratique pour en analyser tous les aspects ! Exemple avec la future piscine de la ville : « De prime abord, en matière de consommation d’eau, d’énergie ou d’emprise au sol, ce projet peut sembler difficilement compatible avec les ODD, admet Aurélie Lerebourg. Néanmoins, il remplit aussi des objectifs évidents d’éducation, et le futur bâtiment viendra remplacer un édifice vieillissant, véritable passoire thermique. Le nouveau sera équipé de panneaux photovoltaïques, d’espaces végétalisés et le nombre de bassins a été diminué pour limiter l’impact. »

Aider les collectivités à s’approprier les ODD

Face à la complexité et au manque de lisibilité que peuvent parfois revêtir les ODD, dont on reproche aussi le caractère incantatoire, AFNOR fournit une méthodologie qui les traduit en matrice exploitable. Essentiel, pour que les communes s’approprient bien les enjeux, tant au niveau des services généraux que des élus ! Pour cela, une note est attribuée à chaque projet, en analysant l’impact sur chacun des objectifs.

La piscine de Pessac décroche ainsi 13,4 sur 20. Dans les Pyrénées-Orientales, la ville de Banyuls n’en est pas encore à ce stade, mais la démarche entamée il y a deux ans montre aux équipes qu’elles réalisaient déjà des actions en phase avec les ODD, sans en avoir forcément conscience, comme le CCAS ou les aides au permis de conduire pour les jeunes. « Le travail a d’abord consisté à recenser toutes nos actions et à les associer à des ODD, raconte Jérôme Chiodo, directeur général des services de la ville. Nous avons ensuite élaboré un plan en six axes, une feuille de route pour notre ville directement inspirée des enjeux de développement durable. Chacun des grands projets de la mandature s’y inscrit. » Par exemple, la refonte des points d’accueil, la re-naturalisation d’une rivière ou le soutien à l’économie bleue. « AFNOR a joué un rôle-clef pour sensibiliser les élus et le personnel municipal aux impacts des actions », apprécie le DGS.

« Expert institutionnel de l’Agenda 2030, AFNOR dispose des expertises et du recul pour que les collectivités s’approprient les objectifs de développement durable, souligne Laurent Rey, manager des transitions Collectivités et Territoires au sein du groupe AFNOR. Nous leur proposons aussi un concentré de bonnes pratiques, en partie fondées sur des normes volontaires. De quoi accélérer le mouvement. En partant des PPI, certaines mairies entendent adopter la même approche avec leur budget de fonctionnement, dans une recherche d’amélioration continue. » C’est le cas à Évian, en Haute-Savoie. La ville s’engage sur les trois grands axes de son budget : le PPI, la masse salariale mais aussi le budget de fonctionnement. « Même si nous initions seulement la démarche, il nous semble essentiel que tout l’argent engagé soit en phase avec les ODD, insiste Xavier Parisot, directeur général des services de la ville. À l’école par exemple, nous sensibilisons la direction sur les choix d’achats : la machine à plastifier est-elle indispensable ? Comment opter uniquement pour du papier recyclé ? Il s’agit donc de mieux identifier ses besoins, puis choisir le meilleur produit, quitte à consentir un effort budgétaire : certes, les feutres rechargeables sont plus chers à l’achat, mais plus intéressants financièrement sur le long terme et génèrent moins de pollution. »

Une nouvelle manière de penser

La même méthode s’applique au niveau du budget RH : favoriser la qualité de vie au travail et miser sur la formation fidélise les équipes et réduit le taux d’absentéisme. « Une démarche complexe, mais AFNOR fournit un cadre de référence et la force d’un réseau, avec des temps d’échanges entre pairs pour partager nos bonnes pratiques, nos difficultés et nos solutions », apprécie le DGS. En plus des rencontres et des échanges entre communes, AFNOR met aussi à disposition un livre blanc sur la démarche, à télécharger gratuitement ici.

Autre vertu de l’approche : casser les fonctionnements en silos qui prévalent souvent dans les collectivités. Comme chaque direction doit réaliser des auto-évaluations, toutes sont incitées à intégrer dans leurs réflexions des aspects nouveaux. « Par exemple, à Pessac, nous sommes très fiers du service municipal de portage des repas à domicile pour les personnes âgées, souligne Aurélie Lerebourg. Il s’inscrit parfaitement dans les objectifs 1, 2, 3, 10, 11 et 12 des Nations-Unies. Mais la matrice ODD montre que si la livraison s’effectue avec de vieux utilitaires diesel, le pilier environnemental est impacté. D’où le projet de basculer vers une flotte électrique, voire une livraison en vélo cargo. » Une approche à 360 degrés, pour ne négliger aucune dimension !