Industrie verte : six mois pour construire le « Triple E »

Relayant une demande des pouvoirs publics émanant du projet de loi sur l’industrie verte, AFNOR invite les industriels à s’asseoir à la table de la normalisation pour bâtir un référentiel d’indicateurs d’excellence environnementale européenne : le standard Triple E. La norme sortira courant 2024 et servira de base à un label.

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Roland Lescure, ministre de l'industrie.

Un maquis, un magma, une forêt… Les mots du ministre de l’Industrie Roland Lescure, venu lancer les travaux du standard « Triple E » jeudi 20 juillet 2023 à Bercy, ont donné une idée de la confusion qui règne dans le paysage économique français entre normes, labels, indicateurs, certifications… Les entreprises peuvent avoir l’impression d’empiler les titres de gloire « verts » et d’investir beaucoup pour un retour sur investissement qui reste finalement opaque. Sans parler de la planète, qui paie le prix fort de cette cacophonie.

Alors, pour faire place nette et permettre aux industriels français de prendre le virage environnemental, sans pour autant faire fi des démarches d’engagement de progrès écologique existantes qui parlent à tout le monde comme la célèbre ISO 14001, l’Etat a confié à AFNOR le soin de mettre au point le standard Triple E, une « ombrelle » qui apportera à la fois « de la clarté et de l’excellence », selon Roland Lescure. Cette demande est formulée dans le cadre du projet de loi sur l’industrie verte, porté par le ministre de l’Economie et des finances Bruno Le Maire, avec un livrable attendu courant 2024. « La transition environnementale n’est plus une contrainte, mais une opportunité pour que les entreprises puissent garder leurs talents, leurs investisseurs et leur compétitivité, a ajouté Roland Lescure. Le Triple E va nous donner une direction. Et cette ombrelle, [qui sera au départ] bleu-blanc-rouge, deviendra très vite européenne. »

Triple E: PME et ETI bienvenues à la table de la normalisation

Le référentiel Triple E listera des critères permettant à un industriel de revendiquer l’excellence environnementale européenne et de demander le signe de reconnaissance associé (label ou certification).

C’est là qu’intervient la normalisation- volontaire : quoi de mieux que l’ingénierie normative d’AFNOR, avec ses 21 000 professionnels engagés dans des commissions de normalisation, pour fabriquer ce référentiel ? On parle bien ici de normes volontaires, ces documents listant des bonnes pratiques à bien distinguer de la réglementation, qui elle est d’application obligatoire.

Le travail devra être efficace et ramassé : il s’agit de sortir le Triple E en l’espace de six mois. Pour y parvenir, pas de secrets : il faut fédérer. Regrouper des industriels et fédérations de toutes tailles, tous secteurs et tous niveaux de maturité.

Marie Bonnet-Jacqui, inspectrice au sein de l’Inspection générale de l’Environnement et du Développement durable (IGEDD), a accepté de prendre la présidence de la nouvelle commission AFNOR. Consciente d’aborder un chantier titanesque, elle a rappelé que rien n’était plus compliqué que de faire simple. « Notamment quand on part d’un existant très dense. Mais le Triple E sera le label des industriels. Il ne s’attachera pas aux produits mais aux processus. Il apportera une garantie aux acheteurs publics et privés, assurés de l’excellence environnementale de leurs fournisseurs. Aux TPE-PME, je dis de ne pas vous laisser impressionner par la présence des grands cabinets et des grands groupes. Venez ; je veillerai à ce que les équilibres soient respectés », a-t-elle lancé lors de la rencontre du 20 juillet. Vous pouvez prendre contact ici (nécessite un compte Norminfo).

Triple E : une grille d’équivalence avec des référentiels existants

Le contenu du référentiel parlera nécessairement de carbone. Sur ce point, le député des Yvelines Bruno Millienne, qui a porté le projet lors de la consultation préalable à la navette parlementaire, a rappelé que la France disposait du mix énergétique le plus décarboné d’Europe, avec la Suède et la Finlande. « On est dans le wagon de tête, mais on ne valorise pas cette position. Le Triple E va nous donner l’occasion de recueillir le meilleur des normes, d’explorer une trentaine de textes existants et de les regrouper sous un standard qui, à moyen terme, devra séduire les autres pays de l’Union européenne. » Et surtout, devenir un marqueur de choix pour signaler un effort écologique, en direction des bailleurs de fonds désireux de verdir leurs investissements, et en direction des acheteurs publics incités à acheter écolo, local, circulaire et décarboné.

Directeur des activités de normalisation d’AFNOR, Franck Lebeugle a rappelé qu’il fallait en effet concevoir le projet comme une « norme-chapeau » englobant les problématiques traitées par des normes volontaires existantes, internationalement reconnues, comme l’ISO 14001 sur le management environnemental, l’ISO 50001 sur le management de l’énergie, ou d’autres sur le cycle de vie, les émissions de gaz à effet de serre, l’économie circulaire ou la biodiversité. S’y ajoute un angle « made in France » qui devra faire du Triple E un gage d’attractivité territoriale pour les collectivités locales accueillant les entreprises engagées dans cette démarche d’excellence. « Ce standard fonctionnera par éco-équivalence avec les dispositifs environnementaux existants : les acteurs disposant déjà d’une des certifications correspondantes pourront être reconnus ‘Triple E’ par vérification de cette équivalence« , détaille Lina Ismail, qui coordonne le projet pour AFNOR.

Les prochaines réunions de cette nouvelle commission sont connues : le 29 août, 12 septembre, 28 septembre et 10 octobre 2023. Vous travaillez dans l’industrie manufacturière, l’industrie extractive ? Vous êtes amené, en tant qu’acteur du secteur bancaire, à financer des entreprises engagées dans une transition écologique ? Vous êtes directeur de la stratégie, responsable du développe durable ? Vous avez la main pour rédiger la norme !